dimanche 17 mars 2024

Café littéraire # 63

Quelques absentes pour ce 63ème Café littéraire. Mais nous avons eu le plaisir d’accueillir Régine et Gérard, un couple de lecteurs venus grossir nos rangs. Bienvenue à eux ! 

Christine
a pris la parole pour nous présenter deux livres. Tout d’abord Fabriquer une femme, dernier livre de Marie Darrieussecq, et même si Christine a déjà lu plusieurs de ses ouvrages, elle n’aime pas vraiment son écriture. Ce roman raconte l’entrée dans la vie adulte de deux amies adolescentes, Solange et Rose. Nous sommes dans les années 80, en province dans le Pays basque, à Bordeaux, puis à Paris. Deux destins à la fois liés et différents, qui permettent à l’auteur au-delà de cette histoire, de parler de la condition féminine dans tous ces aspects, mais ce n’est pas un manifeste féministe non plus ! Christine, hormis le style, a néanmoins trouvé ce livre intéressant et a été émue par certains passages. C’est un peu triste, désespérant par moment, mais il faut le lire. Dans un tout autre registre, un livre plutôt distrayant, Le temps des loups d’Olivier Maulin. Pour résumer, trois frères vivent dans une ferme délabrée dans les Vosges, un seul travaille pendant que les deux autres glandouillent. Quand ces deux derniers montent le projet de kidnapper une américaine, célèbre écrivain, le troisième frère sera malgré tout présent au cas où cela tourne mal. Et rien ne se passera comme prévu ! Christine a passé un bon moment, et elle aime quand ça se déroule dans des lieux qu’elle connaît. Un roman à décou­vrir pour un humour omni­pré­sent et pour ses intrigues éton­nantes. 

Françoise a lu Mes pas dans leurs ombres de Lionel Duroy. Elle l’a emprunté à Chantal qui nous l’avait présenté il y a quelques mois. Françoise est très attachée à ce qui touche à la Roumanie, elle a été bouleversée par ce roman construit comme une enquête sur les rafles et la collaboration en Roumanie au début de la 2ème guerre mondiale. Elle nous présente également Vivre avec nos morts de Delphine Horvilleur, femme rabbin et écrivaine, souvent confrontée à la mort et qui essaie de transmuer cette mort en leçon de vie pour ceux qui restent. Elle conte, à travers onze chapitres, la manière dont on donne un sens à la mort à travers la parole. Ce n’est ni morbide, ni déstabilisant, c’est vivre la mort en lui donnant un sens. Plusieurs aspects sont évoqués, les histoires des gens qui meurent avec de grands noms comme Simone Veil ou Marceline Loridan, elle y associe les textes sacrés et le conte. Françoise trouve que c’est remarquablement écrit par une fille qui doit être très intelligente. Elle nous parle des journées interreligiosités auxquelles elle a assisté, bien que n’étant pas croyante, elle s’intéresse à l’histoire des religions. C’était passionnant ! 

Gérard a apporté deux livres, le premier il l’a lu dans le cadre du Club de lecture du Centre Simone Veil, où les livres sont imposés, ce qui permet de lire des livres qu’on n’aurait peut-être pas lus autrement. Il s’agit d’un livre de Walker Hamilton, un auteur écossais décédé en 1969. Tous les petits animaux raconte l’histoire de Bobby qui a trente et un ans, mais qui a gardé la naïveté et les réactions d'un petit garçon. Sa mère est morte. Fuyant la cruauté de son beau-père « le Gros », il se retrouve seul sur les routes. Il y rencontrera M. Summers, un vieil homme solitaire, meurtrier impuni, dont l'étrange métier est d'enterrer « tous les petits animaux »… À eux deux ils formeront la plus inattendue des paires, capable du meilleur comme du pire. Ce roman plein d'humanité aborde, mine de rien, tous les grands sujets comme le droit à la différence, la pédophilie, l'écologie, la souffrance animale, l'avenir de l'homme ou encore la violence de nos sociétés, autant de sujets dont on ne parlait pas à la sortie du livre. Un style percutant, des dialogues vifs et efficaces, un petit livre qui se lit très rapidement, mais qui a laissé Gérard perplexe, quant à la véritable intention de l’auteur. Passons au coup de cœur de Gérard, Le roman de Jim de Pierric Bailly, un auteur né à Champagnole en 1982. Son avant-dernier roman évoque avec une grande beauté une forme d’attachement, hors des liens du sang. Aymeric, le beau-père de Jim, a rencontré Florence, sa mère, alors qu’elle était enceinte de six mois. Tous les trois mènent une vie heureuse dans le Jura jusqu’à ce que le père biologique, Christophe, revienne suite à une tragédie personnelle. Gérard qui est un adepte de Bernard Clavel a retrouvé chez cet écrivain la même façon d’écrire. Un auteur à suivre… 

Régine n’a pas apporté de livre, ce sera pour la prochaine fois. 

C’est donc à mon tour de présenter L’empire du froid de François Garde, un livre que j’avais mis sur ma liste avant de me rendre aux « Livres dans la boucle », sans savoir si j’allais l’acheter, mais l’auteur a su me convaincre. C’est donc au travers d’une compilation de 99 textes (classés par ordre alphabétique), à la fois insolites, instructifs et emplis d’humour, que François Garde nous livre ses perceptions du froid. Il y mêle les histoires des premières explorations vers les pôles, des aventures menées vers les plus hautes altitudes, mais aussi des anecdotes autour de notre perception quotidienne du froid. Des récits à frissonner, à savourer au coin du feu. C’est extrêmement varié, puisque tous les thèmes y sont abordés, que ce soit l’histoire, la géographie, les sciences, la gastronomie, la philosophie et j’en passe. J’y ai appris beaucoup de choses, d’ailleurs je vais partager quelques passages en les lisant, comme la recette du pemmican, l’agression du froid lors de la naissance, ou l’éruption volcanique en 1783 d’un volcan islandais qui avait modifié le climat pendant une bonne année, provoquant famines et intoxications dans toute l’Europe. En conclusion et de façon humoristique, il dit qu’il vaudrait mieux se battre pour le froid, que contre le réchauffement climatique, ce serait plus positif. 

Armelle, qui était venue en observatrice la première fois, avait promis d’apporter un livre. Ce sont deux livres dont elle souhaite nous parler ce soir, tout d’abord Kilomètre zéro de Maud Ankaoua. Un livre de développement personnel, des leçons de vie, en résumé Maëlle est directrice financière dans une start-up en pleine expansion. Elle mène une vie bien rodée jusqu’au moment où sa meilleure amie lui demande un immense service. Une question de vie ou de mort…  Maëlle accepte la mission et se rend au Népal où elle doit prendre possession d’un document qui permettra à son amie de guérir. Au cours d’expériences et de rencontres bouleversantes, Maëlle va apprendre les secrets du bonheur profond et transformer sa vie. Mais réussira-t-elle à sauver son amie ? Armelle nous avoue ensuite être allée à la librairie et avoir demandé un petit livre qu’elle pourrait présenter au Café littéraire. La libraire lui a conseillé un premier roman J’ai huit ans et je m’appelle Jean Rochefort d’Adèle Fugère, en lui disant qu’elle allait sourire. Rosalie Pierredoux, 8 ans, sent toute la tristesse du monde peser sur ses épaules. Un matin, sans prévenir, Jean Rochefort et sa moustache vont changer son regard. Poétique, inventif, drôle, c’est inclassable, ça se lit en une heure et ça fait du bien ! 

Nous terminerons avec Isabelle qui a apporté La commode aux tiroirs de couleurs, dont j’ai peut-être déjà parlé, mais il y a quelques années. C’est le premier roman de la chanteuse Olivia Ruiz, qui a tous les talents, elle chante, danse et maintenant écrit. À la mort de sa grand-mère, une jeune femme hérite de l’intrigante commode qui a nourri tous ses fantasmes de petite fille. Le temps d’une nuit, elle va ouvrir ses dix tiroirs et dérouler le fil de la vie de Rita, son Abuela, dévoilant les secrets qui ont scellé le destin de quatre générations de femmes indomptables, entre Espagne et France, de la dictature franquiste à nos jours. C’est autobiographique, mais un peu romancé aussi car il y a eu des secrets. Isabelle trouve que c’est bien écrit, c’est prenant, ça parle de la condition des femmes et des immigrés. Les lieux, les époques, ainsi que l’Histoire, omniprésente, constituent le point fort du roman. Ils donnent une crédibilité aux drames que vit cette famille. En conclusion, un très bon roman. 

Bernadette

Le prochain Café littéraire se déroulera le Mardi 23 avril.

lundi 29 janvier 2024

Café littéraire # 62

La météo nous ayant laissé un bref répit, ce sont neuf lectrices assidues qui se sont retrouvées pour ce 62ème Café littéraire. Nous avions quelques absentes qui n’étaient pas disponibles le mercredi, mais nous avons accueilli pour la première fois Armelle. 

Catherine nous présente Sa préférée de Sarah Jollien-Fardel, un premier roman, cadeau de son mari. Dans ce village haut perché des montagnes valaisannes, tout se sait, et personne ne dit rien. Jeanne, la narratrice, apprend tôt à esquiver la brutalité perverse de son père. Dès lors, la haine de son père et le dégoût face à tant de lâcheté vont servir de viatique à Jeanne. Dans une langue âpre, syncopée, Sarah Jollien-Fardel dit avec force le prix à payer pour cette émancipation à marche forcée. Car le passé inlassablement s’invite. Et puis il y a la sœur aînée qui a tout subi elle aussi, mais si elle était Sa préférée, nul ne saura vraiment ce qu’elle a vécu, si ce n’est les quelques révélations faites à sa jeune sœur, puis sa disparition. Et la mère qui a quitté le foyer, ne supportant plus la situation. Un roman rude qui a obtenu plusieurs prix littéraires dont le « Prix du roman Fnac 2022 ». Catherine nous le recommande vivement. 

Martine a deux livres à nous présenter, tout d’abord Mohican, d’Eric Fottorino, un auteur qu’elle apprécie beaucoup. Dans un Jura rude et majestueux se noue le destin d’une longue lignée de paysans, un sujet douloureusement d’actualité. Pour léguer ses terres à son fils Mo et éviter la faillite, Brun décide de couvrir ses champs de gigantesques éoliennes. Mo, lui, aime la lenteur des jours, la quiétude des herbages, les horizons préservés. Quand le chantier démarre, un déluge de ferraille et de béton s’abat sur sa ferme… Avec Mohican, Éric Fottorino mobilise toute la puissance du roman pour brosser le tableau d’un monde qui refuse de mourir. Un livre très parlant pour Martine ! Elle passe à un tout autre sujet avec L’amour de François Bégaudeau. L’auteur signe un roman bref d'un centaine de pages dans lequel il embrasse l'histoire d'amour et la vie commune d'un couple ordinaire de classe moyenne, Jacques et Jeanne Moreau sur près de 50 ans. Un bel exploit de raconter une vie en 96 pages et finalement, on constate que tout est dit. On rit parfois, on est ému souvent mais ce n’est pas larmoyant, un roman à contre-courant sur la beauté des couples qui durent toute une vie. 

Jeannine nous a apporté trois livres, elle a lu Hortense de Jacques Expert, présenté la dernière fois par Fabienne, et elle l’a trouvé très bien, fidèle aux commentaires de cette dernière. Elle a enchaîné avec un livre qui fait beaucoup de bruit en ce moment, Mon mari de Maud Ventura, un premier roman qui est déjà best-seller. Dans ces deux romans, on rencontre des nanas complètement cinglées (sic). La narratrice est mariée à un homme qu'elle adore, tout son monde tourne autour de lui, elle pense constamment à lui, plus qu'à leurs enfants, elle fait tout en fonction de lui...Le roman se déroule sur une semaine et, de jour en jour, la douce folie de Madame prend le pas sur l'apparent bonheur du couple. Jeannine nous le conseille, c’est un ovni, mais c’est très bien. Et voici un livre magnifique qui lui a été offert par ses amies, Histoire de la nuit de Laurent Mauvigné. Au début Jeannine qui aime les écritures efficaces, les phrases courtes, a été désorientée par ce livre, car une phrase peut tenir une page. Et il fait plus de 600 pages, mais elle a adoré ! Il a une façon d’écrire incroyable, on a l‘impression qu’il est dans notre tête. Pour résumer, ça se passe dans un hameau aux alentours de La Bassée, tristement baptisé "Les Trois filles seules", où vivent Bergogne, sa femme Marion et leur fille Ida, ainsi que Christine, une artiste peintre ayant troqué l’agitation parisienne pour la vie rurale. Trois individus vont faire irruption le soir de l’anniversaire de Marion, et vont bouleverser l’existence tranquille de tout ce petit monde. Un huis clos se construit alors, dans lequel les personnages seront emprisonnés le temps d’une nuit. Jeannine a l’impression d’avoir été manipulée par l’auteur, on rentre complètement dans son univers. Un thriller étouffant ! 

Danièle est dans un tout autre registre avec une biographie qu’elle a lu comme un roman, Barbara, un ange en noir d’Alain Wodraska, écrivain, biographe et auteur de chansons. Dans cette biographie intime, l'auteur revient sur la vie de la « longue dame brune » qu'il a côtoyée pendant plus de dix ans. Il nous fait découvrir une femme qui était, en privé, aussi drôle et volubile qu'elle était tragédienne et grave sur scène. Il raconte une Barbara méconnue. L'histoire d'une femme qui a traversé les années avec passion malgré les drames qui ont jalonné sa vie, notamment la guerre, l'inceste, la fugue et la maladie. Barbara, c'est un ange noir qui s'est mis à nu dans son œuvre et a tout donné à son public. Un livre qui fait frissonner ! Pour illustrer le sujet, Danièle, passionnée par les livres jeunesse, a apporté un album intitulé L’aigle noir, dont les paroles de la chanson sont merveilleusement illustrées par Edmée Cannard. Sortons de la musique pour nous plonger dans l’apocalypse, lors d’une émission de radio qu’elle écoutait dans sa voiture où l'on parlait de coupures d’électricité, les chroniqueurs ont évoqué ce roman de René Barjavel qui s’appelle Ravage. Danièle s’est donc replongée dans ce livre terrifiant, un roman de science-fiction qui peut résonner avec notre époque. En 2052, tout le fonctionnement de la société repose sur la technologie. La ville de Paris a été reconstruite à partir des travaux de l'architecte Le Cornemusier (paronyme de Le Corbusier), seul Le Sacré Coeur, vestige de l'ancienne civilisation, domine encore la capitale. Les véhicules se déplacent dans les airs, les robinets distribuent de l'eau et du lait. Les grands écrans ont envahi les logements. Un jour, une gigantesque panne d'électricité paralyse tout le monde. Rapidement, vivre devient impossible et il faut se battre pour survivre. Il y a des scènes très dures à lire, mais ça fait réfléchir. Et si ça arrivait ? 

Pour nous réconforter, nous faisons une pause avec dégustation de galettes et de cidre mis au frais par Nanou. 

Armelle est venue en observatrice, mais elle nous présentera un livre la prochaine fois.

C’est donc au tour de Christine de nous parler d’un livre d’Elizabeth Little, Les filles mortes ne sont pas aussi jolies, un titre qui aiguise la curiosité. C’est un thriller psychologique singulier, truculent. Une peinture au vitriol du monde du cinéma... A priori, Marissa Dahl n'a rien d'une enquêtrice. Timide, un brin asociale, elle cherche surtout à éviter les ennuis. Monteuse de films au talent remarquable, elle vient d'être engagée sur un long-métrage dont le tournage a lieu sur une île isolée. Malgré son comportement tyrannique, on ne refuse pas une offre de Tony Rees, metteur en scène réputé. En arrivant à Kickout, Marissa comprend que quelque chose ne tourne pas rond : une atmosphère de secrets et de paranoïa, des acteurs et des autochtones mal à l'aise. Il faut dire que le film relate une vraie histoire de meurtre, survenu sur l'île vingt ans plus tôt. Pourquoi un tel projet ? Marissa n'en sait pas assez. Elle veut en savoir plus, bientôt elle en saura trop. Alors, il sera trop tard pour revenir en arrière... C’est assez divertissant et ça tient en haleine, Christine voulait tellement arriver au dénouement qu’elle prenait son livre dès qu’elle avait cinq minutes. Quand on ne connaît rien à l’univers du cinéma, c’est intéressant de se retrouver plongé au cœur du tournage, du montage et de toute la technique, ça nous sort de notre quotidien…

Isabelle a lu La petite chartreuse de Pierre Péju, Prix du Livre Inter 2003, un très beau roman que quelques personnes de l’assemblée ont déjà lu. Ça débute comme une histoire de tous les jours qui pourrait arriver à n’importe qui. Une fillette sort de l’école, sa mère est en retard, il pleut. Elle rentre seule, se perd. Aveuglée par les larmes, elle traverse la chaussée glissante sans regarder. Le destin la met sous les roues de la camionnette du libraire Vollard. A la suite de cet accident, la fillette sombre dans le coma. À son chevet, le libraire décide de lui raconter des histoires. Un roman émouvant qui rend hommage à la littérature. A partir d'un banal accident de la route, Pierre Péju entrecroise les histoires de trois solitudes et nous offre un roman déchirant et miraculeusement juste. C’est très bien écrit, Isabelle a beaucoup aimé. 

Chantal continue avec Acide, un premier roman de Victor Dumiot, jeune auteur rencontré à Besançon au mois de septembre. En résumé, Camille voit sa vie basculer un jeudi soir dans le métro, lorsqu’elle se fait vitriolée Quand elle se réveille à l'hôpital quelques mois plus tard, elle n'a plus de visage. Son agresseur a disparu sans laisser de traces. Après moult opérations, les chirurgiens essayent de lui rendent un visage plus au moins humain. Julien, lui, vit enfermé dans son appartement. Solitaire, il passe l'essentiel de son temps à consommer des images pornographiques et à surfer sur le darknet. Un soir, il télécharge par hasard une vidéo de l'agression. Alors qu'il s'enfonce peu à peu dans une spirale de violence et d'autodestruction, il ne pense plus qu'à une chose : retrouver la jeune femme. A la fin ils se rencontrent, mais on ne sait pas vraiment ce qu’il va se passer. Chantal est restée sur sa faim. Ce n’est pas un roman à mettre entre toutes les mains, même si l’écriture est très forte, on parle beaucoup de pornographie, de violence, c’est assez hard, il faut s’accrocher… 

Je terminerai par quelque chose de plus léger. Tout d’abord j’ai lu Fille en colère sur un banc de pierre de Véronique Ovaldé, qui est venue à Montbéliard en novembre dans le cadre des Petites Fugues. Je ne reviendrai pas sur le livre, présenté il y a un an par Catherine, mais j’ai beaucoup aimé cette histoire et le climat sicilien dans lequel elle se déroule. J’avais acheté en septembre un livre de Claire Renaud, qui finalement n’est pas venue à Besançon comme prévu. Cinq articles maximum est un roman se déroulant sur une journée. Juliette, étudiante, travaille pour financer ses études, dans un magasin de vêtements d'une grande chaîne, à Niort. Elle s'occupe principalement des cabines. Elle range, nettoie, plie.. Elle assiste à des tranches de vie de femmes de tout âge et de toute condition. Claire Renaud brosse ainsi  une galerie de portraits, parfois acides, parfois très drôles, mais toujours justes et remplis d'humanité. Elle nous dévoile aussi l'envers du décor, les conditions de travail dans ces chaînes de magasin où tout est normé pour faire du chiffre au détriment des rapports humains. J’ai passé un bon moment ! Autre livre d’une jeune autrice que j’aime beaucoup, Julia Deck, qui raconte les choses avec beaucoup d’humour. J’avais déjà présenté Propriété privée, là il s’agit de son dernier livre Monument national, qui autour d’une gloire vieillissante du cinéma français, met en scène une galerie de personnages hauts en couleur qui tentent d’ajuster leurs rêves à la réalité. Le « monument national », c’est Serge Langlois, équivalent fictif d’un Delon ou d’un Belmondo, gloire vieillie du cinéma français autour duquel gravitent, en son château, les nombreux personnages du roman. Entre people, « gilets jaunes », danseurs de hip-hop et couple présidentiel, on voit vite les similitudes avec des personnalités existantes. L’autrice nous offre une fable réjouissante qui confronte la France d'en haut et la France d'en bas. C’est drôle, mais pas que… 

Bernadette 

 Le prochain Café littéraire se déroulera le Mardi 5 mars à 19h30 à la Louisiane

mercredi 22 novembre 2023

Café littéraire # 61

Pour ce 61ème Café littéraire, nous étions douze, des habituées et Cédric qui nous revenait après des mois d’absence. Ce fut encore une belle soirée riche en échanges. 

Pour une fois, j’ouvre la séance car mon coup de cœur a obtenu le Prix Goncourt le matin même. Il s’agit de Jean-Baptiste Andrea avec son roman Veiller sur elle, dont j’ai dévoré les presque six cents pages tellement l’histoire est prenante. Au début du livre, on se trouve dans une abbaye où le héros est en train de mourir, après y avoir passé quarante ans, sans prononcer de vœux, juste pour veiller sur elle, elle c’est sa dernière œuvre, une piéta à qui l’on prête des pouvoirs, mise à l’abri dans ce lieu par le Vatican. L’auteur reprend toute la vie de ce sculpteur très doué, avec en parallèle une poignante histoire d'amour entre deux enfants que tout sépare, durant la montée du fascisme, mais sans oublier tout le génie de l’art italien. Une très belle écriture, une lecture où l’on ne s’ennuie pas une seconde. Et j’ai la chance d’avoir rencontré l’auteur qui me l’a dédicacé. Autre jeune auteur découvert à Besançon, Quentin Ebrard qui a écrit un court premier roman hors des sentiers battus, cachant une révélation complètement inattendue. Dans Pourvu que mes mains s’en souviennent, nous sommes dans une étrange colonie de vacances, avec des disparitions, des mauvais traitements, une directrice cruelle épaulée par une équipe de tortionnaires. C’est tout cela que Louise raconte alors qu’elle peaufine son plan d’évasion, aidée de Juliette et Simon. Je dois être un peu naïve, mais je n’avais pas vu la fin arriver. Bref, je n’en dis pas plus, lisez-le… 

Fabienne, qui affectionne les polars, nous parle du livre de Jacques Expert, Hortense, inspiré d’un fait réel. L’ex-mari de Sophie, qui l’a abandonné alors qu’elle était enceinte, lui enlève sa fille Hortense. Après des années de recherche, Sophie se fait bousculer dans la rue par une jeune femme, elle croit reconnaître sa fille, la suit, l’aborde, l’auteur multiplie les pistes, enchaîne les rebondissements jusqu’à un dénouement complètement imprévisible. Passons à L’horizon d’une nuit de Camilla Grebe, une autrice suédoise. Banlieue de Stockholm, Yasmin disparaît en pleine nuit. Samir, son père est accusé du meurtre. Une chose impensable pour Maria sa femme, mais petit à petit, le doute l’envahit… Les inspecteurs Gunnar Wijk et Ann-Britt Svensson sont chargés de l’enquête. Jamais faux-semblants et mensonges n’auront autant régné. Il faut attendre la dernière page pour connaître le dénouement auquel on ne s’attend vraiment pas. 

Cédric a renoué avec la figuration, puisqu’il est allé sur le tournage de Leurs enfants après eux, d’après le livre de Nicolas Mathieu, Prix Goncourt 2018. Il avait lu son précédent roman, Aux animaux la guerre, qu’il avait bien aimé, pas pas celui-ci. Donc il fallait le lire, et c’est ce qu’il a fait pendant le tournage. C’est un livre assez violent qui s’étend sur quatre étés, de 1992 à 1998, dans une vallée où les hauts-fourneaux sont à l’arrêt. A travers quelques personnages, dont des adolescents, le portrait d’une France qui change profondément, où ceux qui restent savent qu’ils n’ont aucune chance, malgré les miroirs aux alouettes que politiques et société de consommation leur font miroiter. Le film sortira dans six mois environ. Ça a été tourné à Hayange, ville qui reflète un peu la misère de cette crise. Cédric choisit de nous lire un passage, le portrait d’une femme qui lui a fait penser à sa mère. Il avait préféré le livre précédent, car le fil conducteur est plus difficile à suivre dans celui-là, mais ça décrit bien la vie de ces gens. 

Nous allons changer d’ambiance avec Rosemay qui nous présente Au-delà de la vérité, un livre pour s’évader, de Lucy Clarke, une jeune romancière britannique. Quand Katie apprend la mort de sa petite sœur Mia en voyage pour un tour du monde, elle ne peut croire à la thèse du suicide. Le carnet de voyage de Mia en poche, elle part à la recherche de la vérité. De page en page, de pays en pays, de secrets en révélations, le mystère va s'éclaircir. Un récit bien ficelé qui nous tient en haleine jusqu’au bout, Rosemay a adoré ce livre plein de fraîcheur qui l’a replongée dans des souvenirs de voyages.

Isabelle se replonge dans des livres un peu anciens, en particulier Nuits de princes de Joseph Kessel, publié en 1927, un roman dont l'histoire met en scène les immigrés russes dans le Paris des années folles. Proche de ces derniers par ses origines familiales, l’auteur a ardemment partagé leurs misères et leurs rêves. Ils vivent souvent dans des taudis, mais se retrouvent pour faire la fête dans le Montmartre de l’époque. Outre sa valeur littéraire, Nuits de princes a la force d'un document vrai, qu’Isabelle a lu avec plaisir. Elle souhaite aussi nous parler d’un livre plus régional, puisqu’écrit par Yves Turbergue, auteur audincourtois. Avec « Camille », il signe son quatorzième roman, l’histoire d’une femme au physique disgracieux qui voulait « aimer et être aimée ». Différente, un physique ingrat, enfin c'est ainsi que Camille se voit, elle doit traverser l'enfance d'abord, l'adolescence ensuite, puis continuer sa vie. L'histoire se déroule durant les deux guerres mondiales. Il lui manque des dents, elle a un goitre, mais elle épouse néanmoins un italien et va subir le rejet que subissent les émigrés de cette époque. L’histoire a plu à Isabelle, mais elle trouve que le style est parfois un peu pesant. 

Après une petite pause désaltérante, Christine reprend avec Chaque serment que tu brises de Peter Swanson, un petit thriller psychologique sans prétention qui se laisse lire avec plaisir. Abigaël vient d'épouser Bruce, un millionnaire new-yorkais qui semble avoir toutes les qualités du monde. Pourtant, leur lune de miel sur une île paradisiaque va progressivement tourner au cauchemar. Faux semblants, jalousie et manipulation sont au cœur de ce roman qu’on ne peut pas lâcher. 

Bien qu’étant en vacances, Jeannine n’a pas beaucoup lu, elle se demande ce qu’elle a fait de son temps. Elle a quand-même lu des petits trucs (sic), comme elle a beaucoup aimé Jacky Schwartzmann, cet auteur bisontin, dont elle nous a déjà parlé, elle est allée aux "Papiers bavards" et elle a pris tout le stock. C’est policier mais pas que, par exemple dans Pension complète, on retrouve Dino Scala, obligé de quitter sa compagne richissime et les fastes du Luxembourg après un petit dérapage, qui échoue au camping des Naïades, perché sur les hauteurs de La Ciotat. Il fait la connaissance de Charles Desservy, prix Goncourt et véritable handicapé social venu se confronter à la vie normale. Contre toute attente, le pseudo-gigolo et l’écrivain se lient d’amitié. Mais au paradis des tentes Quechua, des pieds puants et des mojitos sous-dosés, les cadavres commencent à s’accumuler... C’est drôle, bien écrit, avec des critiques sur la société. Jeannine est fan, ce n’est pas si léger que ça ! Il lui en reste deux à lire et elle aura lu les œuvres complètes. Par la même occasion, elle a acheté Petites histoires cruelles de Camilla Läckberg, réunissant deux récits. Dans le premier, trois femmes humiliées, battues, blessées par les hommes, se vengent de leurs bourreaux en échafaudant le crime parfait, tandis que, dans le second, quatre jeunes amis se lancent dans une partie d’action ou vérité à hauts risques, jusqu’au point de non-retour. Deux textes brefs et tranchants, bien racontés par la reine du polar nordique. 

Martine a lu Veiller sur elle, dont nous venons de parler, qu’elle aussi a adoré, mais également Shit de Jacky Schwartzmann, longuement évoqué précédemment. On y suit le parcours de Thibault, CPE dans un quartier sensible de Besançon. Lorsqu'un règlement de compte entre dealers a lieu devant chez lui, il tombe sur beaucoup d'argent et quelques barrettes de shit… et va finir par se transformer lui-même en dealer. C’est loufoque, mais à la fois plausible, avec un humour particulièrement caustique, mais alliant également justesse et finesse. Martine est en train de lire Mohican d’Eric Fottorino, le portrait d’un monde paysan qui refuse de mourir. Elle nous en parlera plus longuement la prochaine fois. 

Françoise nous présente Il n’y a pas de Ajar, de Delphine Horvilleur, femme rabbin et écrivaine, un monologue contre l’identité et ses dérives vers le communautarisme, l’appropriation culturelle. L’ouvrage fait référence à Romain Gary qui a obtenu deux fois le Prix Goncourt sous des noms différents. Il met en scène un personnage fictif, fils d’un pseudo, Emile Ajar, créé par Romain Gary, ce que tout le monde ignorait. Durant tout le spectacle, il nous invite à faire ce pas de géant vers l’autre, cet étranger qui sommeille en nous. Un livre à découvrir … Puis un roman d’une centaine de pages que Françoise a abordé avec un peu de méfiance, car il est d’Amanda Sthers, l’ex de Patrick Bruel. Et là surprise, ce livre est subtil , d’une grande délicatesse. Lettre d’amour sans le dire raconte le parcours d’une femme, à l'approche de la cinquantaine, qui analyse sa vie en la dévoilant, par une lettre, à un masseur japonais dont elle devient assez vite amoureuse. Un livre sensuel, tout en finesse, dans la pure tradition de la littérature japonaise. Un vrai petit bijou ! Finissons avec Erri de Luca, un écrivain issu de la bourgeoisie italienne, qui refuse une brillante carrière pour se confronter à la misère du monde en exerçant des métiers manuels. C’est assez ardu à lire, Acide, arc-en-ciel, un livre de 1992, a pour titre les deux premiers mots du dictionnaire qu’il lisait étant enfant. En haut, à gauche est un recueil de nouvelles, assez étranges, ça mérite d’être lu, mais ce n’est pas d’un abord facile. 

Comme chaque fois, Chantal nous annonce qu’elle va plomber l’ambiance. Tout d’abord avec l’un de ses auteurs préférés Sorj Chalandon, qu’elle a rencontré au Festival à Besançon, et son dernier roman L’enragé. En choisissant de rendre compte par la fiction de la mutinerie de 1934 à la colonie pénitentiaire de Belle-Île-en-Mer, l’auteur s’intéresse ici au thème de la violence faite aux enfants. Autour de son héros, l’introuvable cinquante-sixième évadé de ce bagne pour enfants, l’ancien grand reporter peint l’enfer du bagne. Mais comment s’échapper quand on est coincé sur une île ? Et peut-on vraiment se refaire quand on n’a connu que les coups, les brimades, les insultes et les humiliations ? Le sujet lui parle, puisqu’il a lui-même été victime de violences durant son enfance. Petite anecdote, Jacques Prévert était sur l’île pour tourner un film, lorsque ces événements sont advenus, il en a fait un très beau poème « La chasse aux enfants », que nous lit Chantal. Un roman sombre, mais prenant, qui fait écho au livre que j’ai déjà présenté, Le gosse de Véronique Olmi. Elle a également rencontré Lionel Duroy, un écrivain journaliste, qui présentait son dernier livre Mes pas dans leurs ombres. Si Chantal s’est intéressée à ce livre, c’est parce que Françoise nous avait présenté un livre Les exportés qui révélait les horreurs perpétrés par la Roumanie. Lionel Duroy nous y emmène dans le sillage d’Adèle Codreanu, journaliste française d’origine roumaine. La jeune femme ne connaît que très peu l’histoire de sa famille et de ses parents exilés du communisme. Lors d’un reportage, au fil des rencontres, Adèle découvre l’histoire tourmentée de la Roumanie. Là-bas, personne ne parle des 400 000 juifs exterminés par l’armée, encore en 2020, c’est comme si l’holocauste n’avait jamais existé. Si l’héroïne est une invention de l’auteur, les faits eux, sont bien réels. Et ça fait froid dans le dos... 

Bernadette 

 Le prochain café littéraire se tiendra le Mardi 9 janvier à 18h30 à la Louisiane

mercredi 18 octobre 2023

Café littéraire # 60

Après deux mois de vacances, c’est avec plaisir que nous nous sommes retrouvées (eh oui nous étions 11 femmes) pour parler de nos lectures estivales. Nous souhaitons bon rétablissement aux messieurs que nous espérons retrouver bientôt en forme. 

Isabelle
a lu quelques livres dont on avait parlé lors de nos réunions, mais aujourd’hui elle va nous présenter un livre qui n’est pas récent, sorti du grenier de la tante d’une amie, il s’agit du roman de Jacques Lanzmann, Le têtard, paru en 1976, un roman autobiographique qui raconte l’histoire d’un vrai poil de carotte ballotté dans les tempêtes d’une famille dingue, puis dans le tourbillon de l’Histoire, la guerre, l’Occupation et la Résistance en Auvergne. C’est assez cru, mais bouleversant, car c’est la réalité de son enfance et de son adolescence. Autre lecture passionnante, La Tresse de Laetitia Colombani, un grand classique que beaucoup d’entre nous ont lu, et qui va faire l’objet d’un film qui sortira en novembre. C’est l’histoire de trois femmes aux prises avec une société inégalitaire et patriarcale : Smita, l’Intouchable indienne, Sarah, l’avocate canadienne, et Giulia, la tresseuse sicilienne. Ces trois destins, en apparence isolés, forment ensemble une tresse, car leurs vies sont liées, comme on le découvre au fil du roman. Trois femmes qui se battent contre l’injustice et triomphent malgré tout de l’adversité. Un livre qui ne laisse pas indifférent… 

Fabienne nous a apporté une BD, elle qui n’en lit jamais a fait exception, son frère lui a mis dans les mains avec ordre de la lire. Et il a bien fait ! Le monde sans fin de Jean-Marc Jancovici pour le scénario et Christophe Blain pour le scénario et les dessins, la rencontre entre un auteur majeur de la bande dessinée et un éminent spécialiste des questions énergétiques et de l'impact sur le climat a abouti à ce projet. Une nécessité de témoigner sur des sujets qui nous concernent tous. Intelligent, limpide, non dénué d'humour, cet ouvrage explique sous forme de chapitres les changements profonds que notre planète vit actuellement et quelles conséquences, déjà observées, ces changements parfois radicaux signifient. Un album extrêmement instructif et passionnant. Très dense, documentée et argumentée, cette BD fait réagir sur un sujet terriblement d’actualité : l’utilisation des énergies à travers le monde, les enjeux économiques et les conséquences climatiques. C’est intelligemment amené, de manière non culpabilisante, avec une petite pointe d’humour, et ça pousse à réfléchir. 

Martine nous parle du roman d’Haruki Murakami, Le meurtre du commandeur, en deux volumes, avec du surnaturel, ce qu’elle n’aime pas beaucoup, donc elle l’a abandonné, puis repris, c’est quand-même prenant. Le narrateur est un peintre que sa femme vient de quitter. Il trouve refuge dans une maison isolée dans la montagne, qui a appartenu à un peintre célèbre. Dans le grenier il trouve une toile emballée, le Meurtre du Commandeur. Parallèlement, des événements étranges surviennent : il entend des bruits de clochette la nuit, il rencontre un mystérieux voisin qui lui demande de faire son portrait... Un jour, le Commandeur du tableau lui apparaît. Il mesure 60 centimètres et c’est le début d’un parcours initiatique, étrange et inquiétant, qui va confronter le héros aux obsessions de Murakami : l’art, la solitude, la transmission, la fragilité. Un peu dur pour Martine, qui est contente d’être arrivée au bout malgré tout. Passons à l’éblouissement de son été, La folle allure de Christian Bobin, Lucie aime les loups, choisir son prénom et en changer à sa guise, et fuguer tandis que ses parents, circassiens, s'efforcent toujours de la retrouver et de la ramener dans leur foyer ambulant. La folle allure raconte Lucie, et Prune, et Marilyn, toutes celles qu'elle est, alors qu'elle sillonne les routes dans la plus folle liberté. Un livre merveilleusement servi par l’écriture si poétique de Christian Bobin. C’est magnifique, à lire absolument ! 

Catherine a apporté un roman de Lionel Shriver, intitulé A prendre ou à laisser, une réflexion sur la fin de vie. Après avoir soigné et enterré son père atteint de la maladie d’Alzheimer, Kay et son mari, la cinquantaine, nouent un pacte, ils partiront ensemble le jour de leurs quatre-vingt- ans. Le temps passe et voici qu'arrive la date fatidique. Une date, douze possibilités et une conclusion : dans la vie, tout est à prendre ou à laisser... Hilarante et touchante, une œuvre explosive doublée d'une réflexion mordante sur notre rapport à la vieillesse et sur l'art délicat de préparer sa sortie. Les vingt premières pages du roman nous avertissent avec force détails des incontinences et démences du père de Kay. Cela achève de nous convaincre que mourir dans la dignité est un droit, sinon un devoir. A méditer, alors que cela fait toujours débat dans notre pays. 

Christine le dit elle-même, elle a lu comme d’habitude des livres de développement personnel, mais elle ne nous en parlera pas, car elle pense que nous sommes un peu réfractaires, pas forcément… Elle a lu également Trois, dont nous avons déjà beaucoup parlé et qu’elle a apprécié, et elle va nous parler d’un livre sociologique, La faute à Rousseau d’Eric Naulleau. L’auteur a une dent contre la députée Sandrine Rousseau, il nous montre que le « rousseau­isme » est un sectarisme aux relents totalitaires : il déconstruit la déconstructrice à partir de l'analyse serrée de ses propos, de ses écrits politiques et même de son unique roman : La reine est nue.  C’est très bien écrit et c’est plein d’humour. Avis aux amateurs ! 

Chantal a plusieurs livres à nous présenter, pas vraiment drôles, précise-t-elle, alors commençons par Une fille dans la jungle de Delphine Coulin. La jungle, c’est Calais, cette jungle qui avait été un chaos où des milliers de personnes vivaient, mangeaient, parlaient, se battaient, était devenue un désert, où ils étaient seuls, tous les six, des enfants et des adolescents entre 8 et 17 ans. L’auteur nous livre ici et là des bribes du passé de chacun d'eux et du périple qu'il ont dû enduré pour atteindre la France. Les garçons ont fui leur pays en guerre, les filles ont refusé de se marier de force ou de se prostituer. C'est un livre sur la détresse et sur le désir de liberté. Le second livre Artifices de Claire Berest, la sœur d’Anne Berest, auteur de la carte postale, est une histoire intrigante, avec des personnages très différents et qui pourtant ont un lien. C’est une danse éperdue, où les personnages se croisent, se perdent et se retrouvent, dans une enquête haletante qui voit sa résolution au fil des chapitres. Un livre très prenant… Le dernier, Chantal l’a acheté à Chamonix, où il y avait un rayon de livres sur la montagne, elle a donc choisi Ravage de Ian Manook. L’histoire d’une traque menée par des hommes armés, des chiens et même un avion dans le grand Nord canadien durant l’hiver 1931. Ce roman est inspiré d’un fait divers, ils vont traquer pendant six semaines, par moins 40 degrés Celsius, ce trappeur, ce fugitif qui aurait eu la malchance de tomber au mauvais moment en profitant, d’après certains, des pièges qui n’étaient pas à lui. Un prodigieux roman noir sur fond blanc ! 

Cet été Jeannine a lu Kasso, livre d’un auteur bisontin qu’elle adore, Jacky Schwartzman. C’est très bien écrit, très bien construit, elle a beaucoup ri. Kasso, c’est le sosie de Mathieu Kassovitz, ça se passe à Besançon et ça change tout quand on connaît la ville. Après des années d'absence, Jacky Toudic est de retour à Besançon pour s'occuper de sa mère malade d'Alzheimer. Les vieux souvenirs et copains resurgissent. Les vieux travers aussi. En effet Jacky ne gagne pas sa vie comme les honnêtes gens. Son métier : faire Mathieu Kassovitz. Ça se lit vite et c’est très drôle. De quoi passer un bon moment. Jeannine a lu Trois de Valérie Perrin que nous avions déjà présenté et elle a beaucoup aimé. Petite anecdote « people », en juin dernier Valérie Perrin a épousé Claude Lelouch. Une amie a prêté à Jeannine L’ombre du vent de Carlos Ruiz Zafon, sorti en 2001, un roman foisonnant qui part dans tous les sens, mais qu’on ne peut lâcher. L’histoire est centrée sur un jeune garçon prénommé Daniel Sempere. Le père de Daniel, propriétaire d'une librairie, décide un jour d'emmener son fils au cimetière des livres oubliés. Daniel choisit un roman intitulé L'Ombre du vent, écrit par un certain Julian Carax que l'on croit mort. Le roman passionne le jeune homme qui va chercher à en savoir plus sur le contenu du livre, mais également sur son auteur. Dans sa quête, Daniel fera des rencontres surprenantes qui changeront sa vie à jamais, dans la Barcelone de l'après-guerre civile. Un livre que l’on n'oublie pas !

Françoise, souhaite nous parler de trois livres, tout d’abord un ouvrage qu’elle a trouvé dans une boîte à livres, A la ligne de Joseph Ponthus, un premier roman qui nous livre une sorte d’autofiction où il raconte son expérience dans les usines bretonnes. C’est l’histoire d’un intellectuel qui travaille en région Parisienne et qui décide de tout quitter pour vivre avec celle qu’il vient de demander en mariage, en Bretagne, le portrait d’un homme qui fait ce qu’on appelle un travail alimentaire, dans l’agroalimentaire, justement. Il y fait de belles rencontres, il trime, il souffre, il crie, il chante. Ils chantent, toute la journée, ces travailleurs de l’ombre, dans la pénombre, qui brisent leurs os au travail. Un témoignage remarquable, mais effrayant… Françoise a trouvé dans cette même boîte à livres une écrivaine qu’elle connaissait de nom, mais dont elle n’avait jamais rien lu, Selma Lagerlof et son livre Le violon du fou, livre de 1899 réédité en 2006. Beaucoup de merveilleux, de surnaturel dans ce livre qui raconte l'histoire d'un jeune étudiant qui passe son temps à jouer du violon. Mais lorsqu'il apprend que sa mère est endettée et son domaine sur le point d'être vendu, il entreprend de gagner de l'argent dans l'élevage et la vente de chèvres. Opération qui tourne à la catastrophe et le pousse aux portes de la folie. le jeune homme devient alors colporteur. Parallèlement on suit l'histoire d'Ingrid, une jeune orpheline entraperçue alors qu'il était étudiant. Entre les deux jeunes gens , un lien puissant et surnaturel les unit. Pourront-ils se retrouver ? L'amour pourra -t-il triompher ? Un livre assez déstabilisant, mais qui mérite d’être lu. En ce moment Françoise lit Erri de Lucca, un auteur qui écrit remarquablement bien, elle a terminé Acide, arc-en-ciel et a commencé En haut à gauche, un recueil de nouvelles, elle nous en parlera peut-être plus longuement la prochaine fois. 

Rosemay nous a apporté deux ouvrages, tout d’abord Les femmes du bout du monde de Mélissa Da Costa, elle a moins accroché qu’aux autres livres de l’auteur. Dans la région isolée des Catlins, en Nouvelle-Zélande, Autumn et sa fille Milly s'occupent du camping Mutunga o te ao, qui signifie le bout du monde en maori. Au cœur d'une nature sauvage et luxuriante, elles accueillent Flore, Parisienne à la recherche de rédemption. Les trois femmes apprennent à se connaître, à s'aimer et à faire la paix avec leur passé. De belles descriptions de paysages et beaucoup d’humanité dans ce livre. Rosemay adore Maud Ankaoua, et nous parle de son dernier livre, Plus jamais sans moi, un roman qui fait du bien. Constance, avocate, obtient le poste qu'elle espérait dans un cabinet d'élite. Pourtant, proche de la quarantaine, elle se sent vulnérable et peu sûre d'elle. Elle est follement éprise de Lucas et attend que celui-ci tienne sa promesse et quitte sa femme. Mais une fois son contrat signé, elle entame une période d'essai peu conventionnelle qui bouleverse sa vision d'elle-même et de l'amour. Un récit qui met la quête du bonheur au cœur des expériences les plus inoubliables. 

Quant à moi, je souhaite parler d’un livre que l’on m’a offert, et qui m’a bouleversée. Le gosse de Véronique Olmi raconte le parcours d’un gamin orphelin, placé par l’État dans une famille paysanne en Picardie, puis envoyé à la Petite Roquette suite à des tentatives de fugues, et enfin placé à Mettray dans ce qu’on peut appeler un bagne pour enfants. La plume de Véronique Olmi est incisive, juste et riche. Elle décrit bien la réalité de ces enfants soumis à l'Assistance publique durant l'entre deux guerres. Un roman vrai et bouleversant sur un pan très sombre et méconnu de notre histoire. Comme j’aime beaucoup Valérie Perrin et que je n’avais pas lu son premier roman, Les oubliés du dimanche, c’est chose faite. Justine, 21 ans, vit chez ses grands-parents, suite à la perte de ses parents dans un accident. Elle travaille dans une maison de retraite, et elle recueille les confidences des personnes âgées, en particulier celles d’Hélène, qu’elle va coucher sur le papier pour pouvoir lui relire, afin qu’elle n’oublie pas sa vie. C’est plein d’humanité, et très émouvant. Cette fois j’ai lu ses trois romans, j’attends le quatrième... 

Bernadette


 Le prochain rendez-vous est fixé au Mardi 7 novembre 2023 à 19h30 à la Louisiane

mercredi 2 août 2023

Café littéraire # 59

C’est sous les frondaisons, derrière la Louisiane, que nous nous sommes retrouvées pour ce dernier Café littéraire de la saison. Nous avons pensé à Gilles à qui nous souhaitons un bon rétablissement, ainsi qu’à Noëlle qui n’en a pas fini avec les problèmes de santé. Et nous espérons que Denis va mieux et nous rejoindra à la rentrée. 

C’est Catherine qui s’est lancée en nous présentant un livre paru en 2015, Les gens dans l’enveloppe d’Isabelle Monnin. En 2012, Isabelle Monnin achète à un brocanteur, sur internet, un lot de photos d’une famille dont elle ne sait rien. Les photos lui arrivent dans une grosse enveloppe blanche, qui va lui inspirer le titre de son ouvrage. Ce sont des photos de familles banales, à partir desquelles elle décide d’inventer une histoire pour en faire un roman, puis d’enquêter pour voir si elle peut retrouver les personnes qui sont dessus. Enfin cet ouvrage est également l’occasion de découvrir Alex Beaupain, ami de la journaliste, qui lui propose d’écrire des chansons originales à partir de son roman, et de chanter des reprises de chansons qui ont accompagné la vraie vie des Gens dans l’enveloppe, si elle les retrouve. Catherine a apprécié ce roman qui se décompose en deux parties, et ce qui est fort, c’est qu’il y a des similitudes entre l’histoire inventée et la véritable histoire de cette famille. Autre titre qu'elle a lu avec intérêt , L’heure des femmes d’Adèle Bréau, un magnifique roman sur sa grand-mère, Menie Grégoire, animatrice radio sur RTL dans les années 70. Il explore sur cinq décennies les avancées, paradoxes et régressions de la condition féminine, les mettant en résonance à travers des destinées de femmes de la fin des années 1960 et de nos jours dans une fresque romanesque. Ce livre a pu voir le jour grâce aux archives que Menie avait constituées. Un livre très prenant que Catherine a adoré. 

Jeanine a lu une enquête policière Haute voltige d’Ingrid Astier, un livre foisonnant de personnages, tous très particuliers, dont on se souvient sans problème. L’intrigue tourne autour d’un cambrioleur serbe de génie, roi de l’escalade, c’est un voyou très attachant, fascinant, on sent qu’il a vécu des choses difficiles, sans en savoir plus. L’auteur décrit superbement bien ses sensations lorsqu’il grimpe, ainsi que Paris vu de haut, ce n’est pas violent, pas de mort, pas de sang, les policiers n’arrivent pas à l’attraper car il est très méthodique, très rigoureux. Un livre que Jeanine a dévoré et qu'elle nous conseille fortement.

Fabienne a apporté un tout petit roman de Benoîte Groult, trouvé dans une boîte à livres, intitulé La touche étoile, une histoire de femmes de trois générations différentes, mère, fille, petite-fille, un éloge de la vieillesse et de l’avancée en âge. Alice, 80 ans, affrontera son âge avec une lucidité impitoyable et un humour décapant, dans un monde où le jeunisme est érigé en valeur et où « vieillir est un délit ». Jusqu'au jour où elle choisira de mourir dans la dignité. Un livre qui n’est pas triste, bien au contraire, dans lequel chaque femme peut se reconnaître et qui a enchanté Fabienne

Françoise a été conquise par le livre de Guy Boley, Quand Dieu boxait en amateur, dont la critique du Figaro Magazine se résume en un mot « une merveille ». Dans une France rurale aujourd’hui oubliée, deux gamins passionnés par les lettres nouent, dans le secret des livres, une amitié solide. Le premier, orphelin de père, travaille comme forgeron depuis ses quatorze ans et vit avec une mère que la littérature effraie et qui, pour cette raison, le met tôt à la boxe. Il sera champion. Le second se tourne vers des écritures plus saintes et devient abbé de la paroisse. Un livre autobiographique, superbement bien écrit par un auteur qui pourtant n’a pas fait d’étude. Un uppercut littéraire, dixit Françoise. Par contre elle avait repéré dans un magazine le livre de Anne-Dauphine du Chatelle, Bruits de fond. qui l'avait interpelée. Choses vues ? Non, choses ouïes. Au fin fond du monde, il y a le bruit. Permanent, hostile, menaçant. Babil ou boucan, rumeur ou raffut, cancan ou clameur, le tintamarre qui parasite nos jours et nos nuit…, elle avait très envie de le lire, en conclusion elle a trouvé ça insipide, mal écrit, sans intérêt. Passons donc au livre de Bérangère Cournut, après Née contente à Oraibi, Bérengère Cournut nous offre avec Par-delà nos corps le destin d'une femme farouche, une ode à la vie. A la veille de la Seconde Guerre mondiale, à Saint-Malo, une femme adresse une lettre à un ancien amant. Elle y fait le bilan de sa vie tumultueuse et y défend farouchement sa liberté - y compris face à la mort. Des hommes aimés et disparus aux enfants qu'elle a reçus, du chaos des guerres au miracle toujours renouvelé du vivant, elle se souvient de tout, et ne regrette rien... C’est plein d’humanité, ça parle de l’absence, de la mort, mais ce n’est pas triste, très agréable à lire. Un très bon roman. 

Christine nous présente le livre d’une généticienne renommée, Alexandra Henrion-Caude qui, dans son livre Les apprentis sorciers, accuse les laboratoires d'avoir joué aux apprentis sorciers. La technique de l'ARN messager n'était pas prête, et nous n'aurions pas dû l'injecter à des milliards d'êtres humains. Elle n’est pas complotiste, mais elle a eu tout le monde contre elle, à partir du moment où elle a commencé à émettre des doutes. Christine a trouvé ce livre très intéressant, car expliqué simplement, elle aime bien savoir, les avis sont partagés, la discussion est animée, car chacun oppose ses arguments, à nous de nous faire une opinion… 

Je rends hommage à Françoise qui nous avait présenté un livre d’un auteur régional François Hegwein, ce qui m’a donné envie de ressortir un ouvrage de cet auteur que j’avais acheté il y a une dizaine d’années et que je n’avais jamais lu. Fumée d’usine narre la vie de Bernard, venu travailler dans une grande usine de la région, à la fin des années 60, comme beaucoup de ses collègues de l’époque. Un rappel de la vie durant cette période que j’ai lu avec beaucoup d’intérêt. Le second livre présenté s’intitule Roman fleuve écrit par un jeune auteur, Philibert Hulm. Il avait été présenté à La grande librairie, et j’avais vraiment envie de le lire. Je n’ai pas regretté, c’est très drôle du début à la fin. D’ailleurs il a reçu le Prix Interallié 2022. En 2018, avec deux amis, l’auteur décide de descendre la Seine en canoë de Paris jusqu’à la mer, il en résulte un récit plein d’humour et d’autodérision. Un livre à lire absolument si l’on veut passer un bon moment.

Bernadette

La soirée s’est terminée à l’intérieur autour des délicieuses coupes de glace de Nanou, et le prochain rendez-vous est fixé au 

Mardi 19 septembre 2023 à 19h30 à la Louisiane

dimanche 21 mai 2023

Compte-rendu Café littéraire # 58

Huit lecteurs assidus se sont retrouvés autour de la table pour ce 58ème Café littéraire. Nous avons eu la surprise de revoir Joël de passage ce jour-là dans la région. 

Christine
qui lit beaucoup de livres sérieux et plus ou moins philosophiques a créé la surprise avec un livre drôle de Michel Denisot intitulé On peut rire de tout sauf quand on mange de la semoule, dans lequel l’ancien animateur vedette de Canal+ offre un petit florilège de ce que les réseaux sociaux proposent de drôle, toujours en lien avec l’actualité. Christine avait entendu parler de ce livre partout dans les médias, donc elle a eu envie de l’acheter. Sa préférée : le challenge de la Saint-Valentin, c’est d’entrer dans un restau, choisir un couple très amoureux et dire « Je pensais que c’était sérieux entre nous ». C’est inégal il y en a de plus ou moins drôles, mais on passe un bon moment. Une dernière pour la route, la maison Flammarion signale que « L’amant de lady Chatterley » est épuisé. Pas mal non 
plus ! 

En faisant le ménage, Martine a retrouvé Si ce livre pouvait me rapprocher de toi de Jean-Paul Dubois, ouvrage qu’elle a eu envie de relire car il lui avait fait une forte impression. Sa relecture lui a permis de découvrir d’autres choses en étant attentive aux sentiments. Un homme de quarante-six ans, Paul Peremulter, vient de divorcer et décide de quitter la ville de Toulouse pour un périple aux Etats-Unis qui le conduira au nord de l'Amérique, dans les bois québécois, sur les traces de son père, porté disparu en plein lac, il y a des années. Depuis Miami à La Tuque, le parcours de cet homme est cocasse, humble et fouille des sentiments profondément ancrés depuis la perte de son père, Fulbert. Car bien sûr, Paul va recevoir un bien étrange héritage de cet homme que, finalement, son entourage connaissait très peu ! Quand un fils part sur les pas de son père, il s'aventure à découvrir des secrets. La boucle sera-t-elle bouclée en bout de parcours ? Martine est en train de lire un polar Dehors les chiens de Michaël Mantion, qui est invité par la librairie. Elle nous en parlera plus tard.

Gilles a emprunté à la bibliothèque un livre dont il avait beaucoup entendu parler, puisqu’il s’agit de Rouge Brésil de Jean-Christophe Rufin, Prix Goncourt 2001. C’est l'histoire de deux enfants, Just et Colombe, embarqués de force dans une expédition pour servir d'interprètes auprès des tribus indiennes. Le but est d’installer une colonie française en Amérique du Sud, évènement historique de la Renaissance, dont personne n’a jamais parlé. Tout est démesuré dans cette aventure. Le cadre : la baie sauvage de Rio, encore livrée aux jungles et aux Indiens cannibales. C‘est long et lourd à lire, mais très intéressant et très bien écrit. Puis Gilles nous parle d'un livre de Faïza Guène, qui avait défrayé la chronique il y a quelques années avec Kiffe kiffe demain. Là il s’agit d’Un homme ça ne pleure pas, la vie d'une famille algérienne habitant à Nice, racontée par Mourad, l'un de ses membres. La romancière reprend un thème qui lui est cher : le devenir d'une famille arabe en France. A cause de non-dits et de malentendus la famille va éclater, pendant dix ans il y aura de la rancoeur, le tout saupoudré de poésie car elle écrit très bien. Une mère méditerranéenne, hystérique, envahissante mais aimante amène Gilles à se poser la question, est-ce que les mères maghrébines sont plus protectrices que les autres ? Il aimerait avoir l’avis de ceux qui le liront. La discussion est ouverte. 

Jeanine craint de plomber l’ambiance avec son livre Chien 51 de Laurent Gaudé, dans lequel l’auteur dessine un monde effarant où de grandes firmes peuvent racheter des pays endettés et organiser la vie comme elles l’entendent, par zones : les privilégiés en zone 1, la classe moyenne, en zone 2, et les pauvres en zone 3, territoire abandonné et délabré. On pourrait penser à de la science-fiction, mais le réalisme décrit par Laurent Gaudé est tel que tout nous ramène au présent. Normal donc de retrouver dans ce roman une problématique climatique avec des pluies acides nécessitant une protection de pointe par un dôme climatique devenu vital, normal aussi de s'effrayer devant la toute-puissance capitaliste et des multinationales qui, désormais, régissent la vie des gens et remplacent les États eux-mêmes. Au fond, Chien 51 est la constatation d'un échec, celui d'une société qui va vers le cataclysme. Un roman pessimiste et beau à la fois comme seul Laurent Gaudé sait nous en offrir. 

Joël est venu avec quatre livres, dont Clara lit Proust de Stéphane Carlier, un roman tendre et réjouissant, dans lequel Clara, une coiffeuse de Chalon, rencontre Marcel Proust, l’indéboulonnable star des lettres françaises. Et c’est le coup de foudre, aussi inattendu que puissant. Ce livre célèbre les vertus de la lecture et de la littérature, tout en dénonçant les a-priori liés à cette noble activité, et tout ça de façon agréable, sans se prendre la tête. Ce livre a forcément plu à Joël, puisque le confinement lui avait fait redécouvrir Proust, dont il nous avait parlé avec enthousiasme. Passons au second livre, Que reviennent ceux qui sont loin de Pierre Adrian. Après de longues années d'absence, un jeune homme retourne dans la grande maison familiale. Dans ce décor de toujours, au contact d'un petit cousin qui lui ressemble, entre les après-midi à la plage et les fêtes sur le port, il mesure avec mélancolie le temps qui a passé. En résumé la chronique d’un été dans la belle lumière d’août, le délicat passage entre l’enfance et l’âge adulte. Mais une épée de Damoclès plane sur cette famille, et c’est là tout le charme du livre. Un jeune auteur plein de talent. Joël continue avec Irène Frain et La fille à histoires, roman dans lequel elle raconte son histoire personnelle, celle d’une petite fille privée de l’affection d’une mère qu’elle aimait et respectait. Elle est la troisième fille du couple arrivée à un moment où sa mère réalise que son mari ne l'a pas mariée par amour. Il a aimé une autre femme avant elle et ignore qu'elle est au courant. Elle connaît même son prénom et le fait porter à sa fille. Ça se passe dans un milieu modeste, avec un quotidien de vie raconté dans les détails. Et il termine avec un livre qu’il a adoré, mais dont nous avons déjà parlé ici, L’île haute de Valentine Goby, livre qui enchante toujours les lecteurs. 

Après avoir lu des livres un peu ardus, j’ai eu envie de lire des livres plus légers. J’avais beaucoup entendu parler du roman Changer l’eau des fleurs de Valérie Perrin, et j’ai adoré ce livre plein de poésie. Violette Toussaint est garde-cimetière dans une petite ville de Bourgogne. Les gens de passage et les habitués viennent se réchauffer dans sa loge où rires et larmes se mélangent au café qu'elle leur offre. Son quotidien est rythmé par leurs confidences. Valérie Perrin nous fait partager l'histoire intense d'une femme qui, malgré les épreuves, croit obstinément au bonheur. Avec ce talent si rare de rendre l'ordinaire exceptionnel, elle arrive à dédramatiser la mort. Un livre qui fait du bien ! Passons à un livre de Zoé Brisby, auteur que je ne connaissais pas du tout, et qui ressemble au livre Tout le bleu du ciel, dont nous avons déjà parlé. C’est L’habit ne fait pas le moineau, Maxine, vieille dame excentrique souffrant de la maladie d’Alzheimer, s’échappe de sa maison de retraite, bien décidée à en finir dignement avec la vie. Alex, jeune homme introverti au cœur brisé par un chagrin d’amour, cherche une raison de vivre. Réunis au hasard d’un covoiturage dans une Twingo hors d’âge, les voilà qui s’élancent à travers le pays. Un roman drôle, mais touchant, réunissant deux personnages que tout oppose. Encore un livre optimiste qui remonte le moral… 

Françoise termine la rencontre avec François Hegwein, un auteur local, facteur durant 20 ans à Seloncourt, après avoir été instituteur et informaticien en région parisienne. Il écrit de petites histoires, comme dans ce livre Contes, parlotes et racontotes, publié dans la Maison d’édition qu'il a fondée « Les amis du lézard vert ». Françoise aime ces racontotes sans prétention, mais sympathiques, qui lui rappellent ses parents et son enfance. La plupart d’entre elles ont été écrites pour être racontées à la fête des Amis du vieux Seloncourt. Il fait œuvre de mémoire et c’est bien là l’essentiel. 

Des discussions très intéressantes ont émergé entre les présentations de livres et nous avons passé une bonne soirée très enrichissante !

Bernadette

La prochaine rencontre sera un Atelier d’écriture animé par Françoise le Mardi 23 mai à 19h30. 
 Essayez une fois, vous y reviendrez…. 

 Le dernier Café littéraire de la saison aura lieu le Mardi 27 juin à 19h30

mercredi 12 avril 2023

Compte-rendu Café littéraire # 57

Une dizaine d’habitués se sont retrouvés pour ce 57ème Café littéraire. Merci à Gilles qui a confectionné un excellent kuglof pour son anniversaire.

Après nous avoir brièvement relaté son intervention sur le fromage à la Médiathèque de Montbéliard, rencontre passionnante, Gilles souhaite nous parler de plusieurs livres, dont certains déjà présentés ici. Par exemple L’anomalie d’Hervé Le Tellier, qui a beaucoup divisé ceux qui ont tenté de le lire et ceux qui y sont parvenus, a séduit Gilles qui l’a trouvé très intéressant. Il revient également sur Les exportés de Sonia Devillers, présenté précédemment par Françoise, livre dont on ne sort pas indemne. Pour rester avec Hervé Le Tellier, Gilles poursuit avec Je m’attache très facilement, récit clinique de trois jours d’une Bérézina amoureuse. Un homme, bientôt atteint par la cinquantaine, décide de rejoindre en Écosse une jeune maîtresse. Sa visite, pour attendue qu’elle soit, n’est pas véritablement désirée. Un livre plus léger qui permet d’oublier tous ses problèmes. Il termine par L’homme peuplé de Franck Bouysse, un livre très poétique, mais dont il n’est pas sûr d’avoir tout compris. Deux fermes voisines dans un petit village de campagne. L’une est habitée par Caleb, un enfant du pays, dont la mère, Sarah, lui a toujours dit qu’il était différent des autres et qu’il avait hérité de son don. Que pour cette raison, il devait éviter les femmes pour ne pas attirer à lui le malheur. L’autre ferme vient d’être rachetée par Harry en quête de calme et d’inspiration pour pouvoir écrire un deuxième roman dont son éditeur attend depuis plusieurs mois le manuscrit. C’est une très belle histoire ! 

Fabienne a lu le dernier livre de Laurent Gounelle, Le réveil, Tom, un jeune ingénieur, se retrouve confronté dans son pays à une situation inquiétante qui sème la peur dans la population. Dans ce contexte inédit, des mesures sont adoptées par le pouvoir, contraignantes et liberticides. Cette situation n’est pas sans rappeler ce que nous avons vécu depuis la Covid. L’auteur a choisi d’écrire ce livre parce qu’il croit que, «dans le contexte qui est le nôtre actuellement, chacun est en droit de connaître les techniques de manipulation des masses auxquelles sont formés les puissants», à savoir les gouvernements et les multinationales qui avancent main dans la main. Fabienne a adoré ce livre. Elle tient également à nous parler d’un livre de Charlotte Link, Le péché des anges, Max et Mario, frères à la beauté angélique, sont absolument identiques – seule Janet, leur mère, parvient à les distinguer. Quand l'un des deux, atteint de troubles psychiatriques, doit être interné, Janet prend une terrible décision afin de protéger sa famille… mais qui pourrait également la détruire. Un livre qui n’est pas vraiment un polar, mais qu’on ne lâche plus tellement on a envie de connaître le dénouement. 

Jeanine s’est passionnée pour l’un des derniers livres de Caryl Férey, un auteur qu’elle affectionne particulièrement, intitulé Lëd, (signifiant glace) et où l’auteur nous entraîne au fin fond de la Sibérie, plus précisément à Norilsk, ville industrielle la plus septentrionale du monde, au nord du cercle arctique, qui bat régulièrement des records mondiaux de froid et de pollution. A la demande de son éditrice, alors qu’il préfère les pays où il fait chaud, il s’est rendu une première fois dans cette ville, qui lui a inspiré un récit de voyage « Norilsk » en 2017, puis il y est retourné pour produire ce polar paru en 2021. Il y a beaucoup de personnages, c’est très foisonnant, la vie y est rude, il y a des problèmes de corruption, d’alcoolisme, et pourtant ça se lit facilement, on fait la fête avec eux. Jeanine nous le recommande comme tous les livres de l’auteur, Paz, Mapuche, Zulu etc... qui sont très bien documentés et intéressants. Elle nous conseille aussi le dernier livre de Pierre Lemaître Le silence et la colère, peut-être moins bien que Au-revoir là-haut, mais à lire quand-même. 

Françoise nous parle d’un auteur qu’elle n’avait jamais lu, mais qui a écrit un nombre impressionnant de livres, Fouad Laroui, et plus particulièrement du livre intitulé Une année chez les Français, paru en 2010. Entre Le petit chose et le Petit Nicolas, ce livre raconte la première année scolaire de Mehdi au lycée français de Casablanca, le lycée Lyautey, et l’histoire émouvante et cocasse d’un enfant marocain propulsé dans l’univers sophistiqué d’un lycée international en 1970. Le jour viendra où l’enfant devra choisir entre le paradis qu’on lui promet et sa famille d’origine. Françoise a trouvé ce livre jouissif, avec tous les poncifs que l’on a sur l’éducation, sur l’école, c’est un bonheur ! Autre livre qui l’a littéralement bouleversée, Les tournesols ne fleuriront pas d’Odile Talon, une auteure locale. C’est l’histoire de centaines de paysans en France qui se voient spoliés de leur métier, de leur vie par l’intérêt économique au profit des grosses structures qui avalent tout et bénéficient de toutes les aides. Poignant, réaliste, écriture soutenue et très documentée, une vie quotidienne qui arrive au drame, prévisible. Merci Odile pour ce témoignage ! 

Pour ma part, j’ai lu deux livres déjà présentés, Dessous les roses d’Olivier Adam, que je venais de commencer lorsque Martine l’a présenté en février. C’est un auteur que j’aime beaucoup, ce n’est peut-être pas le meilleur de ses romans, mais j’ai bien aimé. Et Alabama 1963, un polar sur fond de racisme, présenté en septembre par Jeanine, genre de livre que je n’ai pas l’habitude de lire et pourtant je l’ai dévoré. Sinon j’ai apporté Grâce et dénuement d’Alice Ferney, un livre déjà ancien puisque publié en 2000. Il raconte l’histoire d’une famille de gitans installée en caravanes, dans un jardin désaffecté sans eau ni électricité, qui reçoit la visite d’une bibliothécaire venant faire la lecture aux enfants du campement. Un récit chaleureux mais réaliste, plein de vie et d'amitié, qui nous fait sentir toute l'humanité de ces familles, leurs rapports passionnés, leur fierté, leur extraordinaire appétit de vivre. Un très beau récit ! Et puis Grâce à Gabriel, d’un auteur bisontin Arnaud Friedmann, qui a été reçu à la Médiathèque de Montbéliard. Ce pourrait être le récit d'un fait divers en Alsace. C'est le questionnement de Michèle qui interroge son statut de mère et cherche à l'habiter. C'est aussi sa lutte contre une hérédité lourde à assumer et à repousser quand sa vie bascule un certain jour du mois d'août. L’auteur explore avec une minutie sans concession les frontières ténues de la folie chez des personnages fragilisés par la vie. C’est parfois pesant, mais ça interroge sur le deuil, la résilience, et c’est très bien écrit.

Christine a un livre à nous proposer La fabrique du crétin : vers l’apocalypse scolaire de Jean-Paul Brighelli. L'Ecole de la transmission des savoirs et de la formation des citoyens est à l'agonie. Elle accomplit aujourd'hui ce pour quoi on l'a programmée voici un demi-siècle : adaptée aux nécessités du marché, elle fabrique à la chaîne une masse de consommateurs semi-illettrés et satisfaits d'eux-mêmes. Soucieuse d'élaborer enfin l'égalité promise par la République en nivelant par le bas, elle a réussi à détruire ce que la France avait mis deux cents ans à élaborer. Plus de quinze ans après avoir prédit sa mort programmée, Jean-Paul Brighelli revient au chevet de l'Ecole et la trouve plus mal en point que jamais. Collège unique, "pédagogisme", méthode globale, regroupement familial, laïcité à géométrie variable... les causes sont nombreuses, et l'action de Jean-Michel Blanquer — dont il dresse aussi le bilan contrasté — n'a pu empêcher la déroute, surtout en temps de Covid. Aujourd'hui, l'Ecole est au pied du mur : elle sera "soit l'instrument d'une dissolution dans l'individualisme et le communautarisme, soit l'outil d'une résurrection". Est-il trop tard pour réagir ? Il a été enseignant et il a la dent dure, mais il est peut-être trop dans le « c’était mieux avant », alors que la société a beaucoup changé et que l’école doit s’adapter. La discussion fut riche et les avis partagés. 

Passons à Isabelle qui nous présente Le voyage d’Hector ou la recherche du bonheur de François Lelord. C’est un conte pour adulte, qui nous embarque avec Hector, un jeune psychiatre, dans un petit tour du monde. Lorsqu’il voit de plus en plus de patients malheureux sans raison apparente, il décide de partir en quête du secret du bonheur. Pourquoi les gens sont-ils heureux ? Comment devient-on heureux ? Des questions auxquelles Hector saura mieux répondre après une petite série de rencontres et d’aventures. C’est écrit de façon naïve, c’est bienveillant, il interpelle le lecteur. Au fur et à mesure de ses aventures, il écrit des petites sentences. 

Nous terminons avec Martine qui a apporté deux livres. Elle avait beaucoup aimé La décision de Karine Tuil qu’elle nous avait présenté l’an dernier et celui-ci s’intitule L’invention de nos vies, il est riche, bien documenté, il pose plein de questions, mais il se lit aussi comme un thriller. A travers les destins croisés et amoureux de trois amis, Samir Tahar, arabe, musulman, avocat, Nina, mannequin pour les magazines de vente par correspondance, et Samuel Baron, juif, écrivain raté, l’auteur nous entraîne dans un tourbillon de haine, de mal-être, de faux-semblants, de mensonges, d’ambitions, bref dans un petit bréviaire des plus sombres turpitudes de la nature humaine. Faut-il inventer sa vie pour réussir ? Jusqu'où le mensonge permet-il de conduire son existence ? Voilà quelques-unes des nombreuses questions posées par Karine Tuil dans cet excellent roman. Martine a choisi un livre à la bibliothèque, attirée par le titre La pluie avant qu’elle tombe de Jonathan Coe, où passé et présent s'entrecroisent autour de la vie de trois femmes: trois destins tragiques d'enfants mal-aimés qui, d'une génération à l'autre, infligent à leurs filles les mêmes souffrances. Toute l'originalité du livre est dans sa construction, une proche de la famille choisit vingt photos pour en faire la description, raconter l'histoire sur cassettes audio et la transmettre après sa mort. Un roman très touchant !  

Bernadette

Le prochain Café littéraire aura lieu le mardi 2 mai à 19h30